Théâtre
Acte I, Scène I
(Un plateau nu, juste un pupitre surmonté d’une bougie vacillante. Au fond, un grand parchemin blanc suspendu. Du côté jardin, Écrivain entre en trombe, plume au poing, yeux brillant d’ardeur.)
Écrivain (s’adressant au public, le souffle court)
Ah ! Quelle folie douce me pousse ce soir !
Chaque mot qui naît me fait danser le cœur,
Chaque virgule pourrait devenir étincelle.
(Il s’empare de la bougie, l’approche du parchemin, triomphe dans la lumière tremblotante.)
Écrivain
Voyez ce blanc : vaste océan de possibles !
Je jette ma ligne, et j’empoissonnerai mondes et chimères.
Mon âme rugit, prête à s’épancher en cascades :
Odes, tempêtes, éclairs de passion ;
Ô délices de l’écriture !
(Une brise souffle dans la salle, le parchemin frémit. Une silhouette se dessine sur le papier : c’est Inspiration, vêtue d’une robe diaphane, aux yeux de braise.)
Inspiration (d’une voix chantante)
Tu m’as invoquée, ô cœur en fusion ?
Je suis l’onde vive où tes idées puisent vie.
Laisse-moi glisser sur ta plume,
Tisser pour toi ces phrases en fête, ces rires, ces larmes.
Écrivain (s’inclinant solennellement)
Ma Muse, ma déesse, me voici à tes pieds !
Viens, orchestre ce chœur de syllabes,
Qu’il fuse et qu’il résonne dans l’air comme un carillon.
(Le parchemin s’illumine légèrement. Un bruit de roulement de tambours lointain retentit.)
Inspiration
Mais attends… tu n’es pas seul en ces lieux.
(Dans le halo, surgit un personnage plus sombre : Doute, vêtu de noir, son visage voilé. Il avance d’un pas mesuré.)
Doute (d’une voix grave)
Je suis la contre-harmonie, celle qui murmure
“Toi ? Oser ? Mais qu’en sera-t-il ?”
Je sème l’ombre pour nourrir la flamme.
Écrivain (souriant, exalté)
Bienvenue, ami sombre ! Sans toi, point de triomphe sur la page :
C’est ton venin qui aiguise ma foi.
Viens, palpite dans mes veines,
Que j’éprouve plus fort le frisson de vaincre.
Doute (s’inclinant)
Alors écris ! Prouve que ton ardeur
Surpassera mes rancœurs silencieuses.
(Musique subite : une valse effrénée. Écrivain s’assied, saisit plume et papier. Les trois personnages tournent autour de lui, formant un ballet de lumières et d’ombres.)
Écrivain (en rythme avec la musique, voix haute)
À l’horizon glacé, je décris l’aube nouvelle,
Aux soupirs de la nuit, je confie mon cri.
Dans chaque ligne, je cueille un univers,
Et je l’offre aux mondes affamés de beauté.
(Le papier se couvre de mots, comme animés : une pluie d’encre argentée jaillit de la plume.)
Inspiration & Doute (ensemble, en chœur)
Voyez-le écrire !
Écoutez-le vivre !
(La musique s’arrête brusquement. Silence. Écrivain relève la tête, essoufflé, le visage rayonnant.)
Écrivain
Voici donc le premier souffle de mon œuvre :
Pur, vibrant, inextinguible !
Que nos cœurs brûlent ainsi jusqu’à la dernière page !
(Rideau.)