Fiches Synthétiques : Bases Fondamentales de l'écotoxicologie
Introduction à l'écotoxicologie
Pollution à travers l'histoire • Utilisation du plomb (Pb) : Les Romains utilisaient des canalisations et des ustensiles en plomb, une pratique qui a contribué à la contamination des populations. • Intoxication au mercure : Au XVIIIe siècle, les miroitiers du château de Versailles souffraient d'une exposition chronique aux vapeurs de mercure, ne vivant généralement pas au-delà de 30 ans. • Pollution urbaine : Jusqu'au XIXe siècle, la pollution était limitée. La révolution industrielle a engendré une forte consommation d'énergie et une pollution accrue.
Définitions importantes • Polluant : Substance présente en concentration suffisante pour causer des effets néfastes sur les organismes vivants (humains, animaux, plantes) ou pour dépasser des normes environnementales (établies par des organismes comme l'OCDE). Les polluants peuvent être d'origine naturelle (métaux, pétrole) ou synthétique (pesticides, PCB). • Xénobiotique : Du grec "xenos" (étranger) et "bios" (vie). Composé chimique présent de manière anormale ou inattendue chez un organisme vivant. Ces composés peuvent être naturels ou artificiels et sont souvent nuisibles. • Contaminant : Substance retrouvée dans un milieu où elle ne devrait pas être. • Toxicologie vs écotoxicologie : o Toxicologie : Étude des effets négatifs des substances chimiques sur les organismes vivants. o Écotoxicologie : Branche de la toxicologie qui examine les effets des polluants sur les organismes dans un contexte écosystémique global, incluant les interactions entre différents composants de l’environnement.
Moyen mnémotechnique : "PXC = Polluant, Xénobiotique, Contaminant"
Objectifs de l’écotoxicologie
Scientifique : Étudier les routes d'exposition, les mécanismes d'action et les effets des polluants.
Technique : Développer et appliquer des outils pour comprendre le devenir des contaminants dans l’environnement.
Réglementaire : Définir des seuils environnementaux pour les polluants prioritaires et les normes de qualité de l'eau.
Pratique : Diagnostiquer la pollution et proposer des mesures correctives.
Biomarqueurs • Définition : Modification mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique ou comportemental, indiquant une exposition à un ou plusieurs polluants et/ou les effets qui en découlent. • Caractéristiques : Rapides, faciles à mettre en œuvre, reproductibles, représentant divers niveaux biologiques. Certains sont spécifiques à un polluant, d’autres génériques. • Exemple : La présence d’enzymes spécifiques dans les tissus peut indiquer une exposition aux hydrocarbures.
Classes de polluants • Nutriments : Phosphates (PO4), nitrates (NO3) essentiels mais pouvant provoquer l’eutrophisation. • Métaux et métalloïdes : Cuivre (Cu) et fer (Fe) sont essentiels, tandis que le cadmium (Cd), le mercure (Hg) et le plomb (Pb) sont toxiques. • Polluants organiques persistants (POPs) : Substances résistantes à la dégradation, telles que le DDT, les PCB (polychlorobiphényles).
• Polluants émergents : o Produits pharmaceutiques : Ibuprofène, antibiotiques. o Produits de soin : Filtres UV, muscs. o Composés fluorés (PFAS) : Utilisés dans les textiles et mousses anti-incendie.
Moyen mnémotechnique : "NOMPE" (Nutriments, Organiques, Métaux, POPs, Émergents)
Toxicocinétique des polluants
Principales étapes
Absorption : Entrée du polluant par ingestion, inhalation ou contact cutané.
Distribution : Transport via le sang et la lymphe.
Métabolisation : Transformation chimique des polluants en composés plus solubles. o Phase I : Fonctionnalisation (ajout de groupes fonctionnels, catalysée par les cytochromes P450). o Phase II : Conjugaison (liaison à des molécules comme le glutathion pour faciliter l'excrétion).
Excrétion : Élimination par urine, bile, respiration.
Bioaccumulation vs Biomagnification • Bioaccumulation : Accumulation d'un polluant dans un organisme à partir de plusieurs sources (eau, air, nourriture). • Biomagnification : Augmentation de la concentration d'un polluant à chaque niveau trophique. o Exemple : Le DDT se concentre à des niveaux élevés chez les prédateurs supérieurs.
Effets toxiques des polluants
Types d'effets
Aiguë : Effets immédiats suite à une exposition unique ou de courte durée (ex : empoisonnement).
Subaiguë : Effets à moyen terme (semaines ou mois).
Chronique : Effets à long terme (ex : cancers, troubles neurologiques).
Seuils de toxicité • LD50 : Dose provoquant la mort de 50 % des individus exposés. • NOEC (No Observed Effect Concentration) : Concentration sans effet observable. • LOEC (Lowest Observed Effect Concentration) : Concentration avec le plus faible effet observable.
Principaux organes cibles • Foie (hépatotoxicité) : Rôle central dans la détoxification. Les métaux lourds et les hydrocarbures peuvent provoquer une peroxydation lipidique. • Reins (néphrotoxiccité) : Filtration sanguine et élimination des toxines. Les métaux lourds peuvent endommager les glomérules. • Système nerveux (neurotoxiccité) : Les neurotoxiques altèrent la transmission nerveuse (ex : organophosphorés).
Impacts écologiques • Populations : Déclin des espèces sensibles, diminution de la diversité génétique. • Communautés : Extinction des prédateurs si les proies sont contaminées. • Écosystèmes : Perturbation du recyclage de la matière organique par les microbes.
Moyen mnémotechnique : "PEC" (Populations, Espèces, Communautés)
Fiche de synthèse : Biomonitoring de la pollution aquatique
Définition du biomonitoring Le biomonitoring est une technique scientifique permettant d'évaluer l'exposition des organismes à des composés naturels et synthétiques dans l'environnement par l'analyse des tissus et fluides biologiques. Il permet d'identifier les sources de contamination, d'établir les niveaux de fond et de détecter les tendances d'exposition. Cette technique est essentielle pour comprendre les dynamiques environnementales et leur impact sur la biodiversité.
Objectifs des programmes de biomonitoring • Évaluer les niveaux de contaminants en lien avec la santé publique et la biodiversité. • Comparer les niveaux de contamination entre différentes zones géographiques afin de cartographier les risques. • Suivre l'évolution des contaminants dans le temps pour anticiper des mesures de gestion et de réduction des polluants. • Compléter les analyses sédimentaires et physico-chimiques pour une vision globale de la qualité environnementale. • Détecter les effets écologiques des polluants sur les organismes et écosystèmes aquatiques.
Mise en place d'un programme de biomonitoring
Les étapes clés sont :
Sélection des espèces à surveiller, des périodes et des sites de prélèvement en fonction des objectifs scientifiques et des caractéristiques écologiques.
Collecte des échantillons d'organismes, tissus et fluides avec des protocoles standardisés pour assurer la fiabilité des résultats.
Analyse chimique et biologique des contaminants d'intérêt (métaux lourds, hydrocarbures, pesticides, microplastiques, etc.).
NB : Le biomonitoring mesure l'exposition aux contaminants, mais pas directement leur toxicité ou leur impact sur les écosystèmes. Pour cela, il est souvent couplé à des études toxicologiques et écophysiologiques.
Exemple de programme : NOAA Mussel Watch • Démarré en 1986, ce programme surveille les contaminants côtiers via des bivalves (moules, huîtres, moules zébrées) et des sédiments. • 300 sites actifs, analyse de 150 contaminants incluant des métaux traces, des composés industriels, des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des pesticides. • Fréquence : collecte en hiver (sauf pour les Grands Lacs), suivi des sédiments tous les 10 ans. • Les données recueillies ont permis de détecter des épisodes de pollution aiguë, d’identifier les zones à risque et de guider les politiques environnementales.
Bioindicateurs et indicateurs artificiels • Bioindicateurs : Sp. servant à évaluer la contamination d'un environnement. Elles intègrent les contaminants au sein de leurs tissus et permettent d'avoir une indication sur la pollution présente dans l'eau ou les sédiments (ex. moules, poissons, algues, annélides, échinodermes). • Sentinelles : Sp. dont la présence, l'abondance et la diversité sont utilisées pour déterminer la qualité de l'environnement. Certaines Sp. sensibles disparaissent en cas de pollution, tandis que d'autres, plus tolérantes, prolifèrent. • Instruments artificiels : DGT, DET, SPMD, POCIS, « artificial mussels » permettent une surveillance standardisée et mondiale, indépendante des facteurs biologiques propres aux organismes vivants.
Facteurs influençant la bioaccumulation • Facteurs biologiques : taille, âge, sexe, espèce, santé, cycle reproductif, capacité métabolique. • Facteurs physiologiques : taux d'absorption, efficacité de filtration, assimilation des contaminants, capacité de métabolisation et d'excrétion. • Facteurs environnementaux : température, salinité, spéciation des contaminants, quantité et qualité de la nourriture, conditions hydrodynamiques.
Suivi actif et passif • Passif : surveillance des populations sauvages d'organismes bioaccumulateurs. • Actif : transplantation d'animaux en cage dans des sites contaminés ou propres pour suivre la cinétique d'accumulation et de décontamination des polluants.
Biomarqueurs et indices biologiques • Biomarqueurs : indicateurs biochimiques, physiologiques ou histologiques des expositions aux polluants. Exemple : stress oxydatif, perturbation enzymatique, dommages à l'ADN, réponses immunitaires. • Indice Biologique Global Normalisé (IBGN) : évaluation de la qualité de l'eau des rivières à l'aide des macroinvertébrés benthiques. • Indice Biologique Diatomées (IBD) : évaluation de la qualité des cours d'eau à l'aide des diatomées benthiques, algues sensibles aux variations de pollution.
Limites du biomonitoring • Influence des facteurs environnementaux et biologiques sur la bioaccumulation. • Tolérance ou résistance de certaines espèces aux contaminants. • Difficulté de comparaison entre différentes espèces et zones géographiques. • Temps de réponse des organismes parfois long, ce qui peut retarder la détection de pollutions récentes.
Conclusion Le biomonitoring est un outil puissant pour évaluer la pollution aquatique et définir des stratégies de protection de l'environnement. Son succès repose sur un choix pertinent des bioindicateurs, des méthodes d'analyse et une bonne